LA CORNE DE L’AFRIQUE: Somalie, Éthiopie, Djibouti et Erythrée. La corne du rhino pointe vers la péninsule arabique, soulignant la dualité identitaire historique de la région. La Somalie occupe un poste stratégique sur le golfe d’Aden, à la jonction de deux continents. Tout le trafic maritime qui liait autrefois l’Europe aux Indes, et qui devait contourner l’Afrique par le Cap, trouva avec l’ouverture du canal de Suez un raccourci fabuleux. Les côtes somaliennes offraient l’océan indien. Mais celui qui contrôle le canal de Suez doit aussi contrôler le golfe d’Aden, s’il veut pouvoir sortir du goulot de la mer rouge. Or, la Somalie est depuis 1991, un vacuum. Ce pays qui avait été gouverné de main de fer par Siad Barre pendant plus de deux décennies, perdit son gouvernement le 27 janvier 1991, lorsque le régime fut renversé. L’anarchie s’installa alors entre les multiples factions adverses. Le nord déclara son indépendance. Le centre s’auto déclara région autonome. Et le sud croula sous le poids des factions rivales:
“Dans le cours de l’année, plusieurs centaines de milliers de Somaliens moururent, de violence, de maladie et de famine. À l’intérieur du pays, au moins 45% de la population fut déplacée, ou a dû fuir la Somalie pour les pays voisins, le moyen orient ou l’ouest. En août 1992, on estimait qu’un quart de la population, soit 1 ½ millions de personnes, était en danger de mourir de faim. ”
C’est ce qui décida la communauté internationale à agir. Ben Ladin, qui venait de s’installer au Soudan (fin de 1991) et qui avait déjà eu le temps de solidement implanter son réseau en Afrique de l’est, comprit vite le bénéfice stratégique qu’il pouvait tirer du vacuum somalien. Aussi lorsque l’ONU annonça, en décembre 1992, qu’elle envoyait une force multinationale sous commandement américain en Somalie (la célèbre Operation Restore Hope, qui devait mener à l’épisode du Blackhawk Down et, conséquemment, au retrait américain), il dépêcha immédiatement ses combattants arabo-afghans, anxieux d’utiliser avec les Américains ces mêmes techniques qu’ils avaient utilisées contre les soviétiques en Afghanistan. Au dire de bin Laden:
“Le seul groupe non somalien qui combattit les Américains était celui des frères arabes, les Mudjaidins, venus d’Afghanistan…. Ce furent des batailles couronnées de succès, lors desquelles nous avons infligé de fortes pertes aux Américains. Nous les pourchassions dans Mogadishu.“
(Through our Ennemies’ Eyes: Osama bin Laden, radical Islam, and the future of Americaus, Brassey’s, Washington 2002)
Hasardeux d’accorder trop de crédit aux propos toujours stratégiques du chef d’al Qaida. Néanmoins, quoiqu’il en soit des opérations militaires, une bonne part des activités du groupe de Moudjaidins consista à entraîner les combattants des factions rebelles somaliennes, et à propager la Jihad. Il s’agit ici des toutes premières opérations officielles (avouées et revendiquées) menées par al Qaida contre des forces américaines.
L’ONU dû finalement se retirer en 95. Depuis, en dépit de progrès réalisés, il n’y toujours pas de gouvernement en Somalie. Il y a bien ce qu’on appelle un gouvernement transitoire (mis en place en 2000), dont le mandat était d’accoucher d’une constitution et de tenir des élections dans les 3 ans (2003), mais il ne contrôle qu’une partie de la capitale Mogadishu; et bien que la constitution ne soit toujours pas adoptée, il donne des signes de vouloir s’accrocher à son absence de pouvoir. Ce qui ne peut que raviver les tensions. [Pas de gouvernement? ] Pas de gouvernement ça veut dire: pas de budget, pas de système judiciaire, pas de police (la sécurité est assurée par des milices), pas de système de santé ni d’éducation, pas de banques, pas de partis politiques, aucun chemin de fer, etc. Comme il était à prévoir, devant cette absence d’autorité formelle et morale, la majorité des régions ont opté pour la charia, la loi islamique.
"la somaliland contiendrait aujourd'hui en 2005 les branches d'alqaida les plus virulentes".
Aujourd’hui, les tensions entre le nord et le centre demeurent très vives. Des négociations sont en cours entre les chefs des différentes factions, réunis actuellement à Nairobi, au Kenya. Elles sont destinées à raviver un processus de paix qui n’avance à rien. Kofi Anna est d’ailleurs sérieusement inquiet de la tournure des événements, qui laissent craindre le retour du pire… Au moment où j’écris ces lignes, neuf personnes viennent d’être tuées dans un affrontement entre miliciens DU MÊME CLAN au sujet d’une proposition d’alliance avec l’Éthiopie!
Nous verrons demain l’Éthiopie, royaume de la légendaire reine de Saba, l’ancienne Abyssinie où Rimbaud se fit trafiquant, entre autres d’armes…
Ce message a été modifié par le_patriote - 09 octobre 2005 - 05:28 .