Un pôle de compétitivité (de compétence ou, encore, de développement) désigne une région, généralement urbanisée, dans laquelle sont regroupés des savoir-faire (compétences), dans un domaine technique, qui peuvent procurer un avantage compétitif tant au niveau sous-régional que mondial. Les ressources ainsi apportées tendent à se propager aux autres activités locales, notamment de service et de sous-traitance. Il existe deux types de pôles de compétence . Le premier du genre, repose sur des savoir-faire traditionnels, comme l'horlogerie pour la Suisse ou la haute couture pour la France. Le second type de pôle, qualifié de technopole, est basé sur la recherche scientifique de haut niveau. Les exemples de technopoles les plus célèbres sont, notamment, le pôle de la Silicon Valley, aux Etats-Unis d'Amérique, et celui de Bangalore, en inde.
On peut situer l'origine de la notion de pôle de compétence à la « théorie des avantages comparatifs » développée en 1817 par l'économiste classique David Ricardo. Selon cet auteur, chaque pays (ou chaque région) gagne à se spécialiser dans la production où il possède un avantage relatif, c'est-à-dire là où il est relativement le meilleur ou le moins mauvais, et doit se désengager des activités dont ses coûts de production sont plus élevés que les autres concurrents.
Ensuite, Michael Porter s'est inspiré de la théorie des avantages comparatifs pour proposer, en 1990, la notion de pôle de compétence (competitive cluster) qui rassemble, sur une même zone géographique et dans une branche d'activité spécifique, une masse critique de ressources et de compétences procurant à cette zone une position-clé dans la compétition économique mondiale.
Enfin, il n'est pas possible d'évoquer le concept de pôle de compétitivité sans faire référence à l'auteur de « La main visible », c'est-à-dire, Alfred Chandler. Professeur d'histoire économique à Harvard, il sera le premier à mettre en évidence le first mover et l'importance, pour la croissance d'une entreprise, d'un développement fondé sur le cluster.
Le développement de tels pôles basés sur la compétence, et non plus comme par le passé sur les ressources naturelles, prend toute son importance dans l'économie post-industrielle dont les matières premières sont l'éducation, l'information, le savoir faire, la créativité, et dans laquelle la compétition est mondiale.
De ce fait, l'existence d'un pôle de compétence, en particulier scientifique, dans un domaine d'avenir devient un facteur clé de l'économie du développement, y compris pour les pays émergents (Chine, Corée du sud, Inde, etc.) qui ont compris l'importance de se développer non seulement à partir de bas coûts de main d'œuvre dans des industries traditionnelles, mais également par la compétitivité technologique.
La question de l'implantation de pôles de compétitivité à Djibouti devient de plus en plus pertinente dans la mesure où le pays connaît une phase de croissance économique durable ces dernières années. La croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) réel s'est établie à 6% en 2008 et elle est estimée à 7% en 2009 selon le Ministère de l'Economie, des Finances et de la Planification, en charge de la Privatisation (MEFPP), et le Fond Monétaire International (FMI). La croissance de revenu national est principalement tirée par les activités portuaires et les services, et devrait s'accélérer et perdurer avec le démarrage du Port de Doraleh destiné à faire de Djibouti un « hub régional ». Un des domaines dans lesquels la République de Djibouti excelle, est donc l'activité portuaire. De ce fait, selon la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo et le modèle des competitive clusters de Michael Porter, la création d'un pôle de compétitivité axée, par exemple sur l'activité portuaire, est tout à fait réaliste et plausible à Djibouti.
Ce pôle de compétitivité pourrait avoir un caractère scientifique et regrouperait un centre de recherche (Université de Djibouti, Centre d'Etudes et de Recherche de Djibouti, etc.), le Port Autonome International de Djibouti (PAID) et toute autre entreprise privée ou publique intervenant dans le domaine portuaire et voulant contribuer à la constitution d'une plateforme des compétences et des savoir-faire sur les activités portuaires et connexes. Il pourrait-être implanté à Doraleh.
L'idée, à priori simple, serait d'imaginer et de développer des nouvelles techniques visant à perfectionner ou à améliorer les procédés liés à l'activité portuaire (transbordement des navires, enlèvement des cargaisons, gestion des stocks des marchandises et des containers, etc.) ou à créer de nouvelles activités liées. Les principaux bénéficiaires seraient les deux ports (PAID et Port de Doraleh) et, accessoirement, les entreprises liées aux activités des ports.
D'autres activités peuvent également faire l'objet de pôles de compétence, comme les télécommunications avec Djibouti Télécom, dans l'optique d'assoir sa compétitivité au niveau continental.
Reste, alors, à imaginer, la forme juridique de ce pôle de compétitivité, ainsi que son plan de financement.
En 1817, David Ricardo propose une explication du commerce international par les avantages comparatifs, qu'il expose à l'aide d'un exemple numérique. Ricardo considère deux nations, l'Angleterre et le Portugal, qui produisent deux marchandises, le drap et le vin. Les conditions de production, décrites par les coûts unitaires de production mesurés en unités de travail, sont différentes dans les deux pays, de façon telle que les coûts unitaires de production sont plus faibles, pour les deux biens, au Portugal, comme l'indique le tableau ci-dessous.
(en heures de travail)
Angleterre
Portugal
Drap 3 2
Vin 9 1
Une analyse fondée sur les coûts absolus, comme celle d'Adam Smith, conduirait à considérer que seul le Portugal peut exporter. Or, Ricardo montre que ce sont les coûts relatifs qui doivent être considérés, et que, dès lors, quoique le Portugal produise les deux biens à des coûts inférieurs à ceux de l'Angleterre, il a intérêt à se spécialiser dans une production et abandonner l'autre à l'Angleterre. En effet, si les deux pays entrent dans l'échange international, et donc se spécialisent, ils sacrifient des unités du bien produit à un coût relativement plus élevé qu'à l'étranger. Pour chaque unité de drap abandonnée, le Portugal peut ainsi produire deux unités de vin (puisqu'il lui faut deux fois moins de travail pour produire du vin que du drap) ; l'Angleterre, en s'abstenant de produire une unité de vin, peut disposer de trois unités de drap supplémentaires (puisqu'elle a besoin de trois fois moins de travail pour produire du drap plutôt que du vin).
L'ouverture aux échanges internationaux, passant par une spécialisation de l'Angleterre dans le drap et du Portugal dans le vin, permet aux deux pays de disposer de quantités supplémentaires des deux marchandises. Il y a donc un gain global tiré du commerce international. Et vous voyez bien que l'Angleterre, bien que moins "compétitive" que le Portugal dans les deux productions, a finalement trouvé une spécialisation dans la division internationale du travail issue l'échange international.
Pour que ce résultat soit obtenu, il est nécessaire que le prix relatif auquel s'effectue le commerce international soit compris entre les rapports d'échange qui prévalent en économie fermée. En autarcie, au Portugal, deux unités de vin s'échangent contre une unité de drap, soit un prix relatif du drap par rapport au vin de deux ; en Angleterre, une unité de vin s'échange contre trois unités de drap, soit un prix relatif de drap par rapport au vin d'un tiers. Si l'échange international s'effectue avec un prix relatif du drap par rapport au vin supérieur à 1/3 et inférieur à deux, l'échange est profitable aux deux pays. Supposons, par exemple, que le prix relatif international du drap par rapport au vin soit égal à un. Alors, le Portugal exporte une unité de vin et obtient en échange une unité de drap, soit le double de ce qu'il pourrait faire en autarcie. L'Angleterre, en exportant une unité de drap obtient une unité de vin, soit le triple de ce qu'elle pourrait obtenir en autarcie.
Tout d'abord, il faut souligner que la formation et le savoir-faire, à un niveau d'excellence mondiale, jouent un rôle dans l'existence des pôles de compétitivité. De ce point de vue on peut les classer en deux catégories. Premièrement, on a les pôles reposant sur la recherche scientifique de haut niveau, qualifiés de technopoles. Le pivot d'une telle zone d'excellence est souvent une université dotée d'un centre de recherche scientifique de renom et très motivée par la coopération avec les entités économiques et financières locales. On peut citer l'exemple de la Silicon Valley qui regroupe ces trois compétences : des universités (Stanford, Berkeley, Santa Clara), des entreprises technologiques (l'une des premières fut Hewlett-Packard) et des fonds de capital risque. Il y a également Bangalore, en Inde, qui est devenue un pivot de recherche et de développement technologique à l'échelle mondiale et dans laquelle de très nombreuses entreprises technologiques internationales y sont maintenant implantées. Enfin, en Europe, les régions de Cambridge, Grenoble, Toulouse, Munich et Dublin abritent aussi des technopoles. D'ailleurs, il existe un cas très spécifique qui est le pôle transfrontalier Biovalley leader européen des sciences de la vie, qui est centré sur les trois régions du Rhin supérieur en France, en Allemagne et en Suisse.
On parle par ailleurs de pôles d'enseignement et de recherche concernant les regroupements d'universités et de centres de recherches en ensembles ayant la taille critique en matière de réunion de compétences. Cela vise notamment à atteindre une renommée internationale et un bon classement dans les comparaisons mondiales, pour attirer les meilleurs enseignants, chercheurs et étudiants.
Deuxièmement, on trouve les pôles reposant sur des savoir-faire traditionnels. En effet, certains pôles de compétence n'ont pas de rapport direct avec la recherche scientifique mais ont maintenu leur avance en savoir-faire au cours des âges. C'est le cas, par exemple, de la Suisse pour l'horlogerie, de Paris pour la haute couture et l'industrie du luxe, ou de Londres pour la finance.
La motivation première de créer de tels pôles a pour but de passer d'une stratégie de croissance économique basée uniquement sur les services à un modèle de croissance reposant d'avantage sur des compétences nationales particulières, permettant ainsi de passer à un stade de production endogène suite à l'acquisition des savoir-faire qui lui seront propres dans l'optique de pérenniser sa richesse. L'idée étant de rechercher, notamment par le biais de tels pôles, des nouvelles initiatives économiques et sociales, voir même d'en développer certaines déjà existantes, en l'adaptant à des besoins nationaux et régionaux. Avec la constitution de tels groupements compétitifs, la croissance sera non seulement durable, mais reposera sur des ressources et des savoir-faire propres au pays.
Ce message a été modifié par CNDES - 30 octobre 2009 - 12:18 .